La Semaine du cinéma du Québec à Paris, dont la huitième édition s'ouvre mercredi soir, doit faire face pour la première fois à une manifestation concurrente soutenue par l'ambassade du Canada.
Le cinéma Mac-Mahon, une célèbre et très belle salle d'«art et essai» située à deux pas de l'Arc de Triomphe, a en effet choisi d'opposer cette année un «Festival du film canadien» au rendez-vous organisé par le Québec au Cinéma des cinéastes.
L'ambassade canadienne en France a subventionné cette rétrospective dans le cadre du programme Canada 2004 mis en place pour célébrer le 400ème anniversaire de l'arrivée de Champlain en Acadie. Il a été impossible mardi de connaître le montant de cette aide financière.
«Les Français ont la fâcheuse habitude de croire que le cinéma canadien, c'est le cinéma québécois, explique le président du Mac-Mahon, Pascal Brucker. Nous voulons leur montrer que ça ne se limite pas à ça et qu'il existe aussi un cinéma canadien à l'ombre du cinéma américain.»
Malgré le ton de cette déclaration, les responsables du cinéma refusent de se poser en concurrents de la semaine québécoise. Selon eux d'ailleurs, la tenue simultanée des deux manifestations relève surtout des hasards de la programmation. Pascal Brucker assure même qu'il ignorait jusqu'à tout récemment l'existence de «Cinéma du Québec».
Le service des Affaires publiques de l'ambassade, qui gère ce dossier, la connaissait sans doute en revanche, mais on y assure que la direction du Mac-Mahon a choisi seule la date de son festival. L'exploitant de la salle précise pourtant que les dates ont été arrêtées «avec l'ambassade».
Dans le milieu, la décision du Canada de soutenir l'initiative du Mac-Mahon (propriété du groupe Bolloré : 35 000 employés dans le monde, 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires) fait un peu grincer les dents.
«Cela me semble maladroit, indélicat et pas très utile», juge un responsable, en faisant remarquer que Téléfilm Canada, l'ONF et Radio-Canada sont partenaires pour leur part de «Cinéma du Québec» .
Côté québécois, on s'étonne aussi de la soudaine apparition de ce «festival», mais on n'en fait pas tout un plat. Le patron du bureau parisien de la Sodec, Christian Verbert, refuse de prêter des arrières-pensées à quiconque et assure qu'il n'a «aucun problème avec ça».
«Je dis toujours qu'il faut enfoncer le clou et donner aux Français l'occasion de voir des films québécois le plus souvent possible», répète-t-il, tout en souhaitant que le Mac-Mahon, la prochaine fois, programme sa «semaine» canadienne à un autre moment de l'année.
Deux manifestations canadiennes en même temps, cela paraît beaucoup en effet. Cette concurrence pourrait brouiller le message que tente de faire passer «Cinéma du Québec « dans les médias et créer une certaine confusion chez les cinéphiles.
Pour l'essentiel cependant, le festival du Mac-Mahon ne risque guère d'incommoder la «semaine québécoise», solidement installée à Place de Clichy, dans le 18e arrondissement.
Parrainée par Carole Laure et Claude Miller, elle propose à compter de mercredi une sélection de huit longs métrages inédits, une rétrospective Robert Lepage et une série de rencontres professionnelles.
Le Festival du film canadien, qui s'est ouvert vendredi dernier, se présente plutôt de son côté comme une revue non-exhaustive de la production des dernières années, sur le thème «Le Canada d'aujourd'hui à travers son cinéma».
La programmation comprend 14 films (anglophones pour la moitié), dont trois ou quatre inédits. Neuf d'entre eux (dont deux en anglais) sont québécois et ont déjà été projetés à «Cinéma du Québec» ou sur les grands écrans français. On retrouve parmi eux les deux plus grands succès québécois des dernières années : Les Invasions barbares et La Grande séduction.
Michel Dolbec, Presse Canadienne, Paris