Une cinquantaine de personnalités du milieu du cinéma québécois ont signé une lettre adressée au président du Festival des films du monde de Montréal, Serge Losique.
Leur proposition est simple: le FFM serait revu et amélioré, rendu plus festif, notamment. Serge Losique conserverait le poste de président du festival, mais il serait solidement appuyé par un conseil de «gouverneurs» avec qui il devrait composer. «Nous lui proposons une forme de partenariat», a dit Pierre Lampron, président du distributeur TVA Films et ancien président de la SODEC. Un ancien président de Téléfilm est aussi du groupe, François Macerola, aujourd'hui vice-président, Affaires juridiques et commerciales au Cirque du Soleil.
Ce projet a été piloté par les patrons de l'Équipe Spectra, un groupe qui a déjà quatre festivals à son actif: le Festival de jazz de Montréal, les FrancoFolies, Montréal en lumières et La Grande Mascarade qui verra le jour à la fin du mois. L'accord de Losique en main, ce « nouveau » FFM pourrait déposer un projet dans les bureaux de Téléfilm et de la SODEC aujourd'hui, jour de fermeture de l'appel d'offre pour l'organisation d'un grand festival de cinéma à Montréal lancé par les deux organismes gouvernementaux. Or, cet accord sera difficile à obtenir. Serge Losique n'a pas rappelé La Presse hier, mais la veille, en entrevue, il avait été catégorique. Pas question de s'associer avec Spectra, un groupe qui donne dans le commerce. «Qu'ils retournent chez eux avec leur projet», avait-il lancé, sans appel.
Un surprenant front commun
Cette fois, toutefois, l'offre ne vient pas uniquement des spécialistes en festivals. Les patrons de l'Équipe Spectra, Alain Simard et Luc Châtelain, ont réussi un surprenant front commun et se sont assurés que des amis de Serge Losique signent la fameuse lettre. La productrice des Invasions barbares, Denise Robert, qui faisait partie du jury du FFM cette année, a signé. Les distributeurs de films Guy Gagnon (Alliance Atlantis Vivafilm) et Pierre Brousseau (Films Séville) aussi. Ces trois personnes s'étaient publiquement présentées comme des «amis du FFM» en mars.
Tous les signataires qui ont accepté de parler à La Presse hier étaient catégoriques: le but de l'exercice est de sauver le FFM, qui a été très critiqué dans une étude de la firme Secor dont les conclusions ont été rendues publiques cet été.
Les dirigeants du FFM et ceux de la SODEC et de Téléfilm ont publiquement croisé le fer depuis.
«La dernière chose que je voudrais, c'est la mort du FFM, a dit le président de Christal Films, Christian Larouche. Losique a construit son festival et actuellement il se bat pour le conserver. Je pense toutefois que le festival a besoin d'un souffle nouveau et c'est ce que nous croyons être capables d'apporter au FFM. Il faut que les gens retrouvent le plaisir d'aller à ce festival. J'espère sincèrement que Serge va accepter notre offre.»
Et s'il ne l'acceptait pas, le groupe déposerait-il aujourd'hui un projet pour partir son propre festival? «Non, il n'en est pas question», a affirmé le propriétaire de plusieurs studios de cinéma, Michel Trudel. «Si j'ai accepté de signer cette lettre, c'est pour donner un coup de main à un ami», a ajouté l'homme de cinéma.
Le suspense prendra fin cet après-midi. Les organisations intéressées ont jusqu'à 16 h, aujourd'hui, pour soumettre un projet pour l'organisation d'un festival de cinéma à Montréal.
Les dirigeants du FFM ont juré qu'ils ne se plieraient pas aux volontés des agences gouvernementales. Le groupe Rozon, organisateur du Festival Juste pour rire, avait terminé la rédaction de son projet hier après-midi. Il sera déposé aujourd'hui, mais pas question d'en parler publiquement avant le verdict de Téléfilm et de la SODEC, attendu pour la fin du mois.
Les dirigeants du Festival du nouveau cinéma ont préféré esquiver la question. Reste L'Équipe Spectra qui pourrait aller de l'avant quand même, si Serge Losique décline cette offre ultime.
Le vendredi 08 octobre 2004
Stéphanie Bérubé, La Presse