Photo Martin Chamberland, archives La Presse

Ouverture du FFM en août dernier

Le Festival des films du monde de Montréal sera de retour l'année prochaine. Il y aura peut-être aussi un nouveau festival de cinéma organisé par Spectra ou une nouvelle version du Festival du nouveau cinéma ou un plus gros Fantasia ou, encore, un plus gros Comédia, dépendant du gagnant de l'appel d'offres lancé par Téléfilm Canada. Et il y aura un perdant: Montréal.

Si tout le monde ne s'entend pas dans cette histoire d'appel d'offres, les professionnels du milieu du cinéma sont à peu près tous d'accord sur ce point. La guerre que se livrent la direction du Festival des films du monde de Montréal (FFM) et les bailleurs de fonds, Téléfilm Canada et la SODEC, ainsi que cette possible cohabitation de plus d'un «grand» festival de cinéma ayant des mandats semblables donnent très mauvaise presse à Montréal. Et si un nouveau festival voit le jour, que d'autres prennent de l'expansion et que le FFM reste en place, il y aura, en plus, une lutte sur la scène internationale pour obtenir des films en exclusivité.

«Pour le cinéma à Montréal, 2005 sera l'annus horribilis», prédit un distributeur de films très impliqué dans l'un des dossiers. En plus, cette histoire a profondément divisé le milieu. Certains professionnels se sont associés à Spectra, d'autres appuient le Festival du nouveau cinéma. Quelques distributeurs de films ont signé le projet de Spectra, mais collaborent avec le Festival du nouveau cinéma.

«Ça fait un bout de temps que Montréal a l'air désorganisé sur le plan international, confie Daniel Langlois, qui présentait hier le projet du Festival du nouveau cinéma. Nous, nous voyons 2005 comme un challenge. Mais il y a beaucoup de confusion.»

Les quatre groupes ayant répondu à l'appel d'offres lancé par Téléfilm Canada et la SODEC en septembre ont déposé leurs projets de grands festivals cette semaine. Les organisateurs du Festival Juste pour rire et de Fantasia devaient faire équipe, mais le temps a manqué. Ils ont déposé leurs projets séparément.

Gilbert Rozon, grand patron du Groupe qui porte son nom, espère qu'il n'y aura pas un seul gagnant, mais plusieurs. «Moi, je ne crois pas que ce serait bon de donner 2 millions de dollars au même joueur, pour un projet qui démarre, dit-il. Qu'on donne à deux ou trois groupes, la moitié ou le tiers des sommes et qu'on grandisse avec l'événement.»

Le projet de Rozon est essentiellement un élargissement de son festival Comédia, avec des activités commerciales qui permettraient aux créateurs québécois, qui donnent dans la comédie, de rencontrer des distributeurs internationaux. Il n'y aurait pas de marché comme tel, mais des activités de réseautage. Rozon voudrait aussi faire des galas et des hommages. «La comédie est un genre très important qui est pratiquement absent des festivals de cinéma internationaux et des remises de prix», dit-il. Comédia resterait un festival estival, parallèle au Festival Juste pour rire.

Le Festival du nouveau cinéma étend ses activités

L'Équipe Spectra et l'équipe du Festival du nouveau cinéma ont beaucoup discuté entre eux. Il a même été question que Daniel Langlois et Alain Simard, président de Spectra, fassent équipe pour déposer un projet commun. Ensuite, on a plutôt parlé de deux projets complémentaires. Finalement, les deux projets de festivals déposés aux bureaux de Téléfilm et de la SODEC vont dans le même sens et ils ne pourraient pas survivre tous les deux, dans les formes présentées. «Il n'y a pas d'animosité qui nous empêcherait de travailler ensemble, explique Langlois. Nous avons beaucoup discuté (avec l'Équipe Spectra), mais nous n'avons pas trouvé de terrain d'entente.»

L'Équipe Spectra présente un nouveau festival de cinéma international qui se tiendrait probablement à l'été. Si ce projet était retenu par les organismes subventionnaires, le Festival du nouveau cinéma reviendrait à son plan initial d'expansion, celui qui était en préparation avant le déclenchement de la course, qui est plus près de ses activités initiales. Ce que le groupe a déposé cette semaine est en effet surprenant.

D'abord, le Festival, qui pourrait changer de nom, comporterait deux volets: une fête populaire d'été, qui s'articulerait autour de l'événement Magnifico et un festival international d'automne comportant une soirée gala tous les soirs, avec invités spéciaux.

Des nouvelles sections sont proposées, dont une section box-office. Le directeur du Festival, Claude Chamberlan, précise qu'il s'agit de film du genre Good Bye Lenin, des films internationaux qui ont connu de bons succès dans leurs pays. Dès 2006 et 2007, trois autres sections sont proposées: Regard sur un pays, cinéma d'Asie et cinéma retrouvé, «du cinéma du passé qui connaît une nouvelle vie artistique et d'exploitation grâce aux nouvelles technologies». D'ailleurs, au plan technologique, le Festival voudrait articuler un marché autour du numérique. «Chaque festival international doit avoir une spécificité, indique Daniel Langlois. Nous savons que l'avenir est au numérique. Pourquoi Montréal ne deviendrait-elle pas une métropole dans le domaine?»

Parmi les autres engagements pris par le Festival du nouveau cinéma, il est question demettre plus d'accent sur le cinéma québécois, canadien et francophone et offrir des prix supplémentaires, mettre plus de primeurs à l'affiche et plus de cinéma pour les jeunes. L'été, le volet Magnifico, qui durerait une dizaine de jours, comprendrait une tournée des quartiers de Montréal. Le cinéma se rendrait chez les gens et la programmation serait faite sur mesure, selon les spécificités culturelles du quartier. Le groupe assure qu'il est prêt à présenter son «grand» festival dès l'an prochain.

Stéphanie Bérubé, La Presse