Montréal vivra vraiment une course au «grand festival de cinéma» dans les semaines qui viennent. Quatre groupes ont répondu à l'appel d'offres lancé par Téléfilm et la SODEC, dont L'Équipe Spectra, appuyée d'un important regroupement de gens de l'industrie, le Groupe Rozon et le Festival du nouveau cinéma, qui profite de l'occasion pour soumettre un plan d'expansion déjà en chantier.
Serge Losique, président du Festival des films du monde de Montréal (FFM), n'est pas dans la course. Le mois dernier, la SODEC et Téléfilm ont conjointement lancé cet appel d'offres pour l'organisation d'un festival de cinéma à Montréal après qu'une étude eut sévèrement critiqué l'organisation du FFM. Serge Losique, connu pour sa détermination et sa combativité, blâme à son tour cette étude faite par la firme Secor, ainsi que cet appel d'offres, qu'il juge illégal.
«Nous avons demandé une opinion juridique qui nous a confirmé que ce procédé est ultra vires», dit-il. C'est-à-dire que les organismes outrepassent leur mandat en provoquant la création d'un nouveau festival, croit Losique.
Cette semaine, Alain Simard, président de l'Équipe Spectra, qui organise déjà le Festival de jazz, Montréal en lumière et les FrancoFolies, a tendu la main à Serge Losique.
De nombreuses personnalités du milieu du cinéma, y compris la productrice Denise Robert, les patrons des grosses boîtes québécoises de distribution de films et le président de l'ONF, se sont jointes à Spectra et veulent aussi faire partie de l'organisation d'un grand festival. Préférablement avec Serge Losique, disent-ils, mais pas nécessairement, puisque le groupe a officiellement déposé un projet hier après-midi.
Losique a refusé de se joindre à eux. «Nous n'avons pas refusé une offre, plaide Serge Losique. C'était une non-offre et nous allons la dénoncer publiquement dans un communiqué de presse mardi.»
C'est à ce moment que Serge Losique entend faire connaître les détails du projet du groupe, car les signataires ne voulaient pas trop en parler aux médias cette semaine. Hier, chez Spectra, on tenait toutefois à réaffirmer que, advenant le cas où le projet remporte la mise, Serge Losique serait de nouveau pressenti pour faire partie du groupe.
Reste donc trois propositions de festival. L'une n'a pas été identifiée, Téléfilm et la SODEC ayant dévoilé le nombre de projets déposés, mais non l'identité des organismes pour des raisons de confidentialité évidentes. Le Groupe Rozon a toutefois confirmé qu'il était du lot. Ce n'était pas une surprise, Gilbert Rozon ayant publiquement annoncé ses intentions dès le début de l'appel d'offres.
Langlois veut le grand festival
La surprise hier est plutôt venue des bureaux de l'homme d'affaires et de cinéma Daniel Langlois, président du Festival du nouveau cinéma de Montréal. Les dirigeants de ce festival, qui existe depuis 33 ans, ont eux aussi décidé d'entrer dans la course.
Contrairement aux deux autres projets, Langlois et son équipe ne proposent pas la création d'un événement, mais une croissance accélérée du leur. Et c'est pour cette raison, dit Daniel Langlois, qu'il n'était pas question de s'associer à un autre groupe. «Nous avons discuté avec tous ces gens», a-t-il dit lors d'une entrevue téléphonique, en fin d'après-midi. Mais le Festival du nouveau cinéma a décidé de faire cavalier seul. «Nous sommes prêts à travailler avec d'autres groupes dans le futur», a aussi dit Langlois, déjà associé avec Alain Simard dans le projet que l'on appelle complexe ou centre Spectrum. Ce centre culturel, dont on parle depuis quelques années, serait érigé autour de la salle de spectacles Spectrum, rue Sainte-Catherine Ouest. Il comprendrait une douzaine de salles de cinéma. Daniel Langlois fait partie du projet en tant qu'investisseur.
Si la SODEC et Téléfilm Canada misent sur le projet d'expansion du Festival du nouveau cinéma, il n'est pas impossible que le groupe de Langlois présente un jour des films dans ces salles, au centre-ville. Actuellement, le festival se déroule autour des salles de l'Ex-Centris, boulevard Saint-Laurent.
Langlois et son groupe comptent aussi profiter de la haute technologie disponible dans ces salles pour créer un marché du film unique, basé sur la distribution et la production des films en mode numérique. Montréal pourrait devenir un leader mondial dans le domaine, et ainsi attirer de nombreux professionnels de l'industrie, croit Langlois.
Téléfilm Canada et la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles du Québec) choisiront d'ici la fin du mois lequel des projets ils comptent appuyer pour 2005.
Quoiqu'il en soit, Serge Losique a annoncé que le Festival des films du monde de Montréal serait de retour en 2005. Même s'il a un concurrent direct dans les pattes.
«On peut fonder un autre festival, mais on ne peut pas remplacer le FFM, dit Losique. Personne ne peut remplacer le FFM.»
Le samedi 09 octobre 2004, Stéphanie Bérubé, La Presse