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Cinéma québécois
CQ2
--> Qu'est-ce qui fait courir Clara?
Le CV de Clara Furey ne fait qu'une demi-page mais il est impressionnant pour une fille de 21 ans. Des études de piano classique et de solfège au Conservatoire de Paris. Des cours de baladi et un diplôme des Ateliers de danse moderne de Montréal. Un spectacle solo au Saint-Sulpice, un autre en groupe au FFM. Des collaborations avec des chorégraphes et maintenant un film (CQ2) avec sa mère Carole Laure. Qu'est-ce qui fait courir Clara? Avant toute chose, l'art.

Si un enfant devenu adulte est à l'image de ses parents, alors Carole Laure et Lewis Furey peuvent être fiers et se dire: mission accomplie.

Au début de la vingtaine, Clara, leur aînée, est déjà une belle réussite. Pas seulement au plan artistique où la chanteuse-danseuse-actrice encore en plein apprentissage a déjà tous les talents, mais aussi au plan humain.

Voilà une jeune fille née et élevée dans la ouate du glamour parisien, qui aurait pu tomber dans la facilité, se fondre paresseusement dans l'ombre de ses parents et vivre éternellement à leurs crochets.

Une jeune fille qui aurait pu avoir l'itinéraire d'un enfant gâté et considérer que tout dans la vie lui était dû. Mais Clara Furey n'a pas été élevée ainsi et même si ç'avait été le cas, tôt ou tard, son besoin irrépressible de s'exprimer aurait pris le dessus et l'aurait entraînée dans ses propres contrées.


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Dans Près du sol ou CQ2, écrit et réalisé par Carole Laure, Clara interprète avec autant d'aplomb que de sincérité le rôle de Rachel, une adolescente révoltée, brisée par l'inceste, qui renaîtra grâce à la danse. C'est un rôle de composition, à des années-lumière de sa propre vie, mais c'est aussi un rôle écrit sur mesure par une mère dont elle est le portrait craché.

Dès les premières images, l'évidence est là. Même profil ténébreux que Carole Laure, mêmes grands cheveux noirs, même fluidité du corps, mêmes accents aigus dans la voix. On a beau chercher des traces de Lewis Furey chez Clara à l'écran, on n'en trouve pas.

Dans la vie de tous les jours pourtant c'est une autre histoire. Quand elle entre dans le petit café de l'avenue Bernard, toute menue, ses cheveux roulés en torsade, son petit manteau à carreaux un peu fripé et cet air timide de jeune fille pas tout à fait sûre d'elle, personne ne se retourne ni ne chuchote le nom de Carole Laure.

Dans la vie de tous les jours, Clara ne ressemble à personne sinon à elle-même.

Malgré tout, l'inévitable comparaison demeure. Au lieu de s'y soumettre, Clara fait tout pour s'en affranchir, en refusant notamment de se faire prendre en photo avec sa mère même pour la promotion de leur film.

Le jour et la nuit

Clara ne veut surtout pas être reconnue parce qu'elle est la fille de Carole Laure. Un peu par orgueil mais aussi parce qu'elle considère que les deux n'ont, tout compte fait, pas grand-chose en commun.

«Comme tous les êtres humains, j'ai mille visages, commence-t-elle. Parmi ceux-ci, disons qu'il y en a cinq qui appartiennent à Carole mais les 995 autres sont à moi. C'est sûr que je me fais dire souvent que je lui ressemble et comme elle n'est pas désagréable à regarder, je l'accepte, mais moi, personnellement, je ne vois pas la ressemblance. En plus, ma mère, je la connais par coeur et je peux vous assurer qu'elle et moi, c'est le jour et la nuit. C'est une des raisons pourquoi on s'entend.»

Pendant la promotion de Près du sol, Carole Laure n'a cessé de répéter que ce qui la séparait de sa fille était avant tout une affaire de séduction. Clara abonde dans son sens.

«C'est clair qu'à 20 ans, Carole n'aurait pas joué le rôle qu'elle m'a proposé. Je suis beaucoup moins charmeuse qu'elle. La séduction ne m'intéresse pas du tout. Moi, je suis prête à me mettre dans des situations laides. Sur un plateau, je n'ai pas besoin d'avoir un backlight derrière la tête pour être filmée sous un meilleur jour. Mon focus n'est pas là. J'ai bien plus peur d'avoir l'air conne que laide. Ça c'est clair. En entrevue, ce qui m'inquiète ce n'est pas la caméra, c'est ce que je dis.»

Tourner sous la houlette de sa mère ne fut pas pour elle un exercice pénible ni troublant. Même la scène du viol ou l'impudeur de la scène d'amour finale ne l'ont pas fait regretter la présence de sa mère sur le plateau. Tout le contraire.

«Dans la scène d'amour à la fin, le regard de Carole était plus rassurant qu'autre chose. Non pas que je sois pudique ni rien, mais bon, Carole les a déjà vus mes seins. Cela dit, qu'il s'agisse de ma mère ou d'un autre, je suis prête à faire n'importe quoi devant une caméra pourvu que ça serve le propos. Et ce que j'aime dans la scène d'amour, c'est qu'on vient de voir Rachel dans un duo de danse très sensuel avec son partenaire, mais lorsqu'on la retrouve dans la vraie vie, son corps si fluide sur scène est fermé et bloqué. Ce décalage me plaisait beaucoup.»

Le choix de la danse

Clara maintient que pour l'instant, être la fille de Carole Laure et de Lewis Furey n'est pas lourd à porter. Reste que pour éviter que ça le devienne un jour, elle a quitté le domaine de la musique malgré son indéniable talent, pour celui plus confidentiel de la danse contemporaine.

«Ce n'est pas pour rien si j'ai choisi le milieu de la danse. D'abord, personne ne nous fait chier en danse, parce que tout le monde s'en fout. En plus, je suis rentrée dans le seul milieu où mon nom ne pouvait pas m'aider et où on ne me compare pas à Carole parce que les vrais danseurs savent très bien que Carole n'a jamais été une danseuse. Alors quand on me dit tu danses comme ta mère, ça me fait rire. J'ai toujours envie de répondre: pourtant, je travaille très fort...»

La coupure a eu lieu il y a quatre ans. Alors que Clara n'avait jamais pris de cours de danse classique et seulement quelques séances de danse du ventre, elle a été acceptée aux Ateliers de danse moderne de Montréal. Elle a décidé de plonger et de quitter ses parents et Paris sans savoir ce qui l'attendait ni même si elle avait vraiment envie de danser.

«L'adaptation a été très difficile. Tous mes amis étaient en France. Je me suis retrouvée seule dans un petit appart de la rue Coloniale. Je ne connaissais personne. Et je passais mes journées enfermée dans un studio avec 12 filles. Pas évident.»

Quatre ans plus tard, elle se dit parfaitement intégrée au milieu montréalais de la danse. À ses yeux d'ailleurs, Montréal est la capitale de la danse contemporaine. Pour l'instant, elle ne se voit pas vivre ailleurs.

«C'est beaucoup plus facile quand t'es jeune de travailler ici. Et puis il y a tellement de bons chorégraphes. Je commence à avoir des contrats. J'ai un chum québécois, un nouvel appart et pour l'instant, ma grande passion c'est la danse. C'est ce que j'aime faire le plus au monde. Ça n'a jamais été le cas avec le cinéma. Je me souviens qu'au lycée, j'étais gênée quand je devais me lever pour lire un poème en classe. Pourtant je n'ai jamais été gênée de chanter ou de danser devant du monde, alors ça doit être un signe...»

Mais qu'elle danse, qu'elle chante ou qu'elle joue la comédie, une constante demeure: Clara veut faire les choses bien et pas à moitié.

«Je suis très exigeante envers moi-même. Je ne veux pas me décevoir. Ce qui fait que je préfère ne rien faire du tout que de faire quelque chose tout croche.»

De la même manière elle refuse que tout lui soit donné tout cuit dans le bec.

«Je veux vivre la vie comme elle est. Je veux avoir ce que je mérite pour pouvoir me dire que c'est moi et personne d'autre, qui l'ai gagné. Mes parents nous ont donné beaucoup à moi et à mon frère Thomas. On a grandi dans une merveilleuse maison à Paris. On est allés à l'école privée. On avait des cours de ce qu'on voulait tant qu'on le voulait. On partait en vacances chaque année, mais mes parents voulaient bien qu'on comprenne que si on avait tout ça, c'est parce qu'ils avaient travaillé très fort pour nous l'obtenir et que rien dans la vie n'est gratuit.»

De toute évidence la leçon a porté fruit.

Nathalie Petrowski, La Presse
Ecrit par Gaël, le Lundi 8 Novembre 2004, 13:20 dans la rubrique "Actualités".